Une éducation

Une éducation
Titre original:Une éducation
Réalisateur:Lone Scherfig
Sortie:Cinéma
Durée:100 minutes
Date:24 février 2010
Note:
En 1961 dans une petite ville en Angleterre, Jenny s'apprête à passer son bac. Une élève brillante, qui est perdue corps et âme à la cause de l'existentialisme français, elle vise l'entrée à l'université prestigieuse d'Oxford, avec la bénédiction de ses parents. Un jour de pluie, Jenny se fait ramener en voiture par le charmant David, sensiblement plus âgé qu'elle. Cet homme va lui permettre de découvrir le monde sophistiqué dont elle a toujours rêvé. Mais entre soirées mondaines et excursions en amoureux, Jenny néglige peu à peu ses études.

Critique de Tootpadu

Le passage pénible à l'âge adulte est un des sujets de prédilection du cinéma sous toutes ses déclinaisons. Rarement, le ton de ces pertes de l'innocence enfantine n'a cependant sonné aussi justé et empreint d'une mélancolie douce, que dans ce film anglais de la réalisatrice danoise Lone Scherfig. La fin brutale du conte de fées de la rencontre avec un prince charmant trop bon pour être vrai y est d'emblée prévisible. Et ses modalités ne brillent point par leur originalité. Mais c'est justement parce que Jenny est après tout une fille naïve comme toutes les autres, qui avance les yeux ouverts dans le piège de la tromperie adulte - malgré ou bien au contraire à cause de son ouverture idéaliste et curieuse au monde - que son destin revêt une portée universelle.
Le choc entre le rêve, pétillant et insouciant, et la réalité, compromettante et déprimante, s'opère selon les règles de l'art d'une narration intelligente et jamais condescendante à l'égard de son personnage principal ou d'un public, qui devrait être familier de ce genre d'histoire à force d'en regarder à intervalles réguliers. La grande force morale d'Une éducation réside dans le fait que le scénario de Nick Hornby et la mise en scène de Lone Scherfig tiennent bien compte du fait que plus personne ne devrait être dupe dans cette affaire de la séduction malhonnête d'une mineure : ni les parents passablement coincés dans le quotidien morose de leur foyer ordinaire, qui s'extasient contre toute raison face au potentiel d'un mariage de leur fille pamponnée avec un homme plus à l'aise avec les vicissitudes du monde qu'eux, dans leur vision étriquée des choses; ni Jenny, qui est a priori suffisamment instruite et vive d'esprit pour déceler les risques de sa romance parfaite, mais dont le jugement n'est pas encore assez développé pour savoir à quel moment faire des compromis et quand il vaudra mieux camper sur ses positions; ni enfin bien sûr le spectateur, qui voit le désastre arriver, mais qui s'est laissé embobiner par la narration adroite, au point de croire encore au miracle, alors que tout espoir d'un dénouement heureux s'est envolé depuis longtemps. La séquence qui exprime sans doute le mieux cette nostalgie irrémédiablement perdue d'un monde meilleur se trouve vers la fin du film, lorsque Jenny, auparavant exubérante et déterminée, enregistre presque froidement le résultat de sa démarche d'application à l'université.
Le principal atout du film, outre son récit prenant et lucide à la fois, est l'interprétation tout en finesse de Carey Mulligan. Toutes les subtilités que nous avons évoquées jusqu'à présent, la jeune actrice les condense dans un personnage riche en ambiguïtés. C'est son jeu parfaitement balancé entre naïveté et désillusion, qui apporte ses lettres de noblesse à cette histoire éminemment humaine.

Vu le 1er décembre 2009, au Metro, en VO

Note de Tootpadu: